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Le marché automobile luxembourgeois n’est pas en excellente forme, selon le porte-parole de la House of Automobile, Gerry Wagner. Et différentes menaces d’ordre réglementaire, de la hausse du taux de l’avantage en nature à la TVA sur le loyer du leasing, le mettent encore davantage sous pression.

La House of Automobile (HoA) n’a pas chômé en 2024 pour lutter contre les menaces qui pèsent sur le marché automobile luxembourgeois : des dizaines d’entrevues avec ministres, syndicats et chambres professionnelles pour expliquer et sensibiliser aux enjeux du secteur ont eu lieu. Et l’année 2025 se présente sous les mêmes auspices.

Cette activité intense n’a d’ailleurs pas manqué de porter ses effets. « Le gouvernement nous consulte souvent » et est « très à l’écoute », constate le porte-parole de la HoA, Gerry Wagner. Et s’il n’applique pas toutes les recommandations de la HoA, certaines sont bien prises en considération.

Des succès en 2024

C’est notamment le cas lors des discussions qui ont eu lieu à propos des primes « Klimabonus mobilitéit » en faveur des voitures électriques qui, si elles ont été revues à la baisse en octobre 2024, l’ont été dans une moindre mesure qu’appréhendé. Idem lors de la mise en place d’une prime pour les voitures électriques d’occasion, un point très positif – même si le montant (1.500 euros) reste plus réduit que celui réclamé par la HoA.

Tout cela sans oublier la question du régime fiscal de l’avantage en nature des voitures de fonction, qui a fait l’objet de sérieux débats. Une hausse du taux de l’avantage en nature pour les voitures de fonction était prévue début 2025, y compris en doublant celui appliqué aux véhicules électriques.

Or, après de nombreuses discussions, le gouvernement a finalement fait volte-face en novembre 2024 et décidé de maintenir les taux pour les voitures 100 % électriques à leur niveau initial pour deux années supplémentaires. « Une très bonne décision », selon Gerry Wagner, qui se réjouit que le gouvernement ait « reconnu qu’il était trop tôt pour doubler ce taux ».

L’effet psychologique est suffisant pour les dissuader de recourir à une voiture de fonction

Gerry Wagner - Porte-parole de la HOA

Le choc psychologique de la hausse de l’avantage en nature

Malgré ces succès, différentes mesures risquent toutefois d’impacter négativement le marché automobile luxembourgeois. A l’exception des 100 % électrique, le taux de l’avantage en nature pour les voitures de fonction a tout de même été revu à la hausse à un taux unique de 2 %.

Un taux qui rend par conséquent moins intéressant le recours à une voiture de fonction à moteur thermique. « Pour tout ce qui n’est pas purement électrique, le niveau de l’impôt qu’on doit payer sur la voiture est dans certains cas plus élevé que l’impôt qu’on doit payer sur un revenu en cash », explique Gerry Wagner.

Alors, certes, en considérant un prix d’achat intéressant, un taux de 2 % présente encore un avantage, encore plus pour un travailleur frontalier qui doit payer davantage d’impôt en France ou en Belgique sur ce type de véhicule. Mais le risque est que, malgré l’avantage financier, l’effet psychologique soit suffisant pour les dissuader de recourir à une voiture de fonction, selon Gerry Wagner. Avec la possibilité que les travailleurs frontaliers choisissent in fine d’acheter leur propre véhicule dans leur pays, et non plus au Luxembourg, amputant d’autant le marché du pays.

L’imbroglio de la TVA sur le leasing

Reste un autre sujet très important pour la HoA, qui a fait l’objet de nombreuses discussions en 2024 mais qui n’a pas été résolue : la TVA sur le loyer du leasing. La question est complexe et découle d’un jugement de 2021 de la Cour de justice de l’UE, l’arrêt QM.

En résumé, le jugement de la CJUE statue que, dans certaines circonstances, la TVA d’une voiture de société doit être supportée non par la société mais par l’utilisateur. Avec une zone grise : les voitures de société étant par définition utilisées pour la société mais aussi par l’employé pour des raisons privées, sur quel montant appliquer cette TVA ? Sur le loyer dans son intégralité ou sur une partie du loyer uniquement ? L’enjeu est d’importance puisque les entreprises (à l’exception des banques d’assurance) peuvent récupérer leur TVA – mais pas les employés.

La Belgique a de son côté clarifié la situation en décidant que ce montant est à calculer sur 65 % du loyer. Auquel s’ajoute la possibilité d’enlever les assurances ou les intérêts du loyer, ce qui ramène la partie sur laquelle la TVA est appliquée à moins de 50 %.

Tout le monde souffre parce qu'on est en train de brader certaines voitures électriques pour pouvoir en vendre

Gerry Wagner - Porte-parole de la HOA

Pas de clarification du gouvernement

Alors que la HoA avait réclamé une clarification similaire au Luxembourg, le gouvernement ne s’est quant à lui toujours pas prononcé. Il accepte que l’entreprise détermine la partie privative et la partie professionnelle, mais sans préciser la marche à suivre. Or cela est très difficile à estimer et, en l’absence de règles claires, l’acceptation ou non reste à la discrétion du contrôleur fiscal. In fine, pour éviter d’éventuelles pénalités en cas de contrôle par l’administration fiscale, les entreprises préfèrent ne pas prendre de risque et imposent un taux de 100 % pour l’employé.

De quoi décourager ce dernier qui, s’il doit supporter la TVA, va payer 17 % de plus pour sa voiture, ou la société qui, pour que l’employé puisse avoir la même voiture, doit augmenter son budget de 17 %. « C’est quand même conséquent », observe Gerry Wagner. Et peut créer une situation « aberrante »: un résident luxembourgeois qui travaille dans la même entreprise qu’un résident belge paiera sur une voiture de fonction identique deux fois plus de TVA que ce dernier.

Plus de la moitié des immatriculations faites par des entreprises

L’impact de ces différentes mesures sur le marché automobile luxembourgeois pourrait en tout cas être significatif, prévient la HoA, surtout du fait de l’importance cruciale des voitures de société pour la bonne santé du marché automobile dans son ensemble.

De fait, en 2024, 46.311 voitures particulières ont été immatriculées, dont 53 % par des entreprises. Et environ 50 % des voitures de société sont utilisées par des travailleurs frontaliers, soit près de 12.000 immatriculations par an qui pourraient être perdues au profit des pays voisins.

En outre, un passage massif des voitures de société vers des achats privés entraînerait une durée de détention doublée, donc une baisse du taux de remplacement des véhicules et par conséquent une réduction de moitié des ventes aux particuliers, soit environ 6.000 véhicules par an, estime la HoA. Au total, ce sont plus de 18.000 immatriculations annuelles qui seraient donc menacées, soit environ 40 % du marché des voitures neuves.

Sans compter que cela risque de freiner l’électrification du parc automobile : en 2024, les voitures de société représentaient 62 % des immatriculations de véhicules électriques, contre 38 % pour les particuliers.

Or le marché automobile du pays, s’il n’est pour l’instant « pas mauvais », n’est « pas excellent non plus », constate Gerry Wagner. Les concessionnaires rencontrent des problèmes pour recruter de la main-d’œuvre. Et l’électrification représente un grand défi. « Tout le monde souffre parce qu’on est en train de brader certaines voitures électriques pour pouvoir en vendre, ce qui n’est pas bon pour le marché en général, ni pour les constructeurs, ni pour le marché européen, ni pour le marché local ». Le gouvernement devra donc naviguer avec prudence pour ne pas plomber un marché automobile sous pression.