Comme l’a souligné Frank Haag, organisateur et seul Luxembourgeois ayant terminé le Challenge du Tourmagne, la particularité de celui-ci réside dans le bagage historique de son parcours. Né au moment de la première vague d’acquisition de vélos qui touche la France à la toute fin du XIXᵉ siècle, il résulte d’une volonté de voyage et de découverte via un moyen de transport nouveau. Arrêt sur une période et un voyage plus que singuliers !
Une époque mouvementée
Les années 1890 voient l’avènement de la bicyclette comme d’un moyen pour les Français de recouvrer une certaine liberté en termes de mobilité. Le cyclisme rencontre une telle vague d’enthousiasme que l’écrivain J. H. Rosny n’hésite d’ailleurs pas à affirmer en 1895 que « la bicyclette est le premier stade de l’aviation ». À la faveur de la seconde révolution industrielle, la production massive de cycles à moindre coût commence, portée notamment par Peugeot dans le Doubs, Manufrance et Mercier dans la Loire. C’est dans ce contexte que le peintre parisien des Beaux-Arts Léon Giran-Max et son compère Marius-Antoine Barret vont se lancer dans un voyage de plus de 900 kilomètres, de la capitale vers Nîmes. Le premier au pinceau et le second à la plume vont retranscrire mots et images de cette fascinante traversée.
Départ et étapes
C’est le 28 août 1897 que Giran-Max et Barret prennent la route depuis Paris vers Melun… en train. Ce n’est qu’arrivés là qu’ils débutent leur traversée en dix étapes jusqu’à Nîmes. Ils commencent par les sous-bois où ils ne manquent pas de noter le contraste avec le pavé parisien, s’enfoncent dans des paysages changeants, tantôt confrontés à des agriculteurs peu arrangeants, tantôt admirant des monuments dont l’intemporalité donne à ce parcours, plus d’un siècle plus tard, une résonance particulière.
C’est notamment le cas pour le pont de Garabit, œuvre d’un certain Gustave Eiffel et croqué à l’époque par Giran-Max. De nos jours, il est toujours possible d’observer ce pont sur le tracé du Challenge.
La descente s’effectue dans une France profonde, à travers certains bourgs où les habitants n’ont jamais entendu parler de cyclisme et expriment dans leur patois occitan leur surprise de voir débouler ces « velouchpièdes ».
C’est au soir du 7 septembre 1897, après qu’un garçon de café malveillant a crevé leurs pneus (!) que les deux amis arrivent à Nîmes, dixième et dernière étape de ce tracé qui, encore aujourd’hui, permet aux challengers de rouler sur les traces de Léon et Marius-Antoine.
Un challenge pas comme les autres
Au moment de rédiger le dernier chapitre de son aventure, Léon Barret dit « ne rien avoir découvert », mais espère susciter un intérêt pour des régions et des paysages grandioses et différents, ajoutant que s’il y parvient, il aura le sentiment d’avoir fait « œuvre utile ». De nos jours, plus de deux cents challengers se lancent chaque année sur les pas des deux pionniers, vers la Tourmagne.
À noter qu’en un siècle et demi d’existence, un seul et unique Luxembourgeois s’est lancé sur ces routes. Sachant que le Challenge de la Tour Magne a encore de beaux jours devant lui, ce chiffre ne peut qu’augmenter !
Témoignage de Matthieu Brunet, président de l’association du Challenge du Tourmagne
« C’est une traversée de la France du Nord (Paris) au Sud (Nîmes) ou on découvre la diversité des paysages français. Des plaines et forêts du Nord, aux volcans éteints de l’Auvergne, et jusqu’aux paysages montagneux de la Margeride et des Cévennes, on voit la grande variété de campagnes et de villes aux bourgs anciens. »